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Pierre Barouh

Promeneur, auteur, compositeur, chanteur, cinéaste, écrivain

Biographie

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Crédit photo : ©Philippe Matsas / Saravah

C’est un délicat exercice que d’écrire la biographie de Pierre Barouh tant son parcours est riche en expériences, rencontres et réalisations ! Il se raconte dans son livre « Les rivières souterraines » (éditions À vos page, 2011), et son fils Benjamin retrace la saga Saravah dans son livre « Saravah, c’est où l’horizon, 1967-1977 » (éditions Le mot et le reste, 2018). Des anecdotes recueillies par Philippe Quevauviller sont également narrées dans « La vie est l’art des rencontres – Pierre Barouh, Anecdotes et chansons » (éditons Bossa Flor, 2018). Le lecteur intéressé y trouvera donc tous les détails sur le parcours de cet humaniste au grand cœur qui se disait avant tout promeneur. Cette biographie survole son chemin de vie qu’il a laissé pour d’autres étoiles le 28 décembre 2016.


Pierre est né Elie en 1934. Il grandit à Levallois-Perret dans une famille de marchands de tissus, juifs originaires de Turquie. Durant la Seconde Guerre mondiale, ses parents le cachent ainsi que son frère et sa sœur à Montournais, en Vendée, dans trois familles différentes. Elie, dès lors rebaptisé Pierre, trouve refuge chez Hilaire et Marie Rocher, dont il parlera toujours avec émotion comme de ses parents d’adoption. De ces années d'enfance, il dira avoir puisé l'inspiration de chansons telles que « À bicyclette », « Des ronds dans l’eau » et « Crépuscule ». Peu enclin aux études et plus attiré par les chemins de traverse, l’éternel promeneur qu’est Pierre Barouh commence une carrière de journaliste sportif et pratique assidument le volley-ball.


En 1959, il part à Lisbonne retrouver sa compagne du moment pour un rendez-vous manqué. Pierre y découvre un univers qui va changer le cours de sa vie… la vie dans le Bairro Alto, la rencontre du musicien brésilien Sivuca qui l’initie à la bossa nova fait qu’il décide de partir au Brésil pour rencontrer les artistes qui le font vibrer, Vinicius de Moraes pour les mots, Antonio Carlos Jobim pour les harmonies, João Gilberto pour les rythmes syncopés. Il trouve un cargo qui l’embarque vers Rio…  Là-bas, point de rencontres des grands de la bossa nova, mais des échanges qui déjà sèment la graine du passeur qu’il est devenu. 


Il se passionne non seulement pour la musique mais également pour la beauté des mots, et adapte ainsi des chansons brésiliennes avec sa propre poésie, sans les trahir. L’une d’elles est « A noite do meu bem » (Dolores Duran) qu’il adapte en « La nuit de mon amour ». À son retour à Paris, il cherche le moyen de faire connaître ces artistes. Il en parle à un ami lors d’un dîner au restaurant et lui chante la chanson de Dolores Duran… une dame s’approche de lui, elle est brésilienne, s’étonne qu’il connaisse cette chanson et l’invite à une fête qu’elle donne chez elle le soir même. Pierre s’y rend, dans l’appartement se trouvent Vinicius de Moraes et Baden Powell. De là vient sans doute ce qui guidera son parcours par la suite, celui enseigné par Vinicius lui-même : la vie est l’art des rencontres…


Pierre alimente alors son quotidien de rôles divers au cinéma. On le voit ainsi en chef des gardians donner la réplique à Johnny Hallyday dans le film « D'où viens-tu Johnny ? » (1963). Il accepte également des rôles dans « Une fille à a dérive » de Paula Del Sol ou « Une fille et des fusils » de Claude Lelouch. Dans le même temps, il compose sa première grande chanson « Les filles du dimanche » et écrit pour de nombreux interprètes dont Dalida, Marie Laforêt ou Claude Goaty. Lucien Morisse (Europe 1, Disc'AZ) produit ses premiers 45-tours et lance ses premiers succès composés par son complice Francis Lai : « Tes dix huit ans », « Nous », « Le courage d'aimer » ou encore « Chanson pour Teddy ». Reparti au Brésil, il tourne un documentaire qui est devenu mythique « Saravah » avec son ami Baden Powell, on y retrouve les artistes qui ont formé le socle de ce que la Musique Populaire Brésilienne est devenue par la suite. Ce film n'est pas exploité en salle et sera un peu oublié avant sa sortie en DVD au Japon puis par Frémeaux & Associés en 2005. Ce document est depuis devenu culte au Brésil.


De la rencontre avec Baden naît la magie de la version de la « Samba da benção » qui devient sous sa plume « Samba saravah ». Ils l’enregistrent en une soirée. Pierre rentre en France car appelé par Claude Lelouch pour tourner dans son projet de film « Un homme et une femme », il fait écouter l’enregistrement au cinéaste qui change immédiatement le scénario du film pour y insérer une scène culte où Pierre chante « Samba saravah » à son épouse (fictive dans le film, puis bientôt dans la réalité) jouée par Anouk Aimée. Ses droits d’auteur lui permettront d’ailleurs d’aider Claude Lelouch à boucler son budget pour terminer le film dans lequel il a écrit les chansons originales avec Francis Lai. En 1966, le film est un succès et est primé Palme d'or à Cannes. Cette notoriété lui apporte une certaine visibilité en tant qu'acteur, auteur et interprète de chansons, il donne le nom « Saravah » à la maison d’édition qu’il a montée, et il créé le label du même nom. 


Avec ses premiers gains, Pierre achète une maison au Boupère au bord du Grand Lay, la rivière où il a passé son enfance vendéenne. Plusieurs années plus tard, dans les années 90, le moulin de La Morvient devient un studio d’enregistrement dédié aux artistes Saravah. 


Au sein de son label, il souhaite mélanger les musiciens et le styles, et multiplier les rencontres musicales. Il signe ainsi de jeunes gens prometteurs : Brigitte Fontaine, Jacques Higelin, Areski Belkacem ou David McNeil. Le label Saravah qui a pour slogan « Il y a des années où l'on a envie de ne rien faire » héberge également Nana Vasconcelos, Pierre Akendengué, Jean-Roger Caussimon, Jack Treese ou encore l'Art Ensemble of Chicago et Steve Lacy  et plus tard Allain Leprest,  Richard Galliano, Gérard Ansaloni, les chanteuses Bïa et Maurane,...


Son mariage en 1970 avec sa deuxième épouse Dominique marque le début du studio Saravah des Abbesses et des soirées Saravah au Palace, au Théâtre Mouffetard et au Théâtre du Ranelagh. Il enregistre avec elle « La transatlantique » et « La nuit des masques » (qu’il avait également enregistrée avec Elis Regina). De leur union naît Benjamin (cité au début de cette biographie). 


Si l'activité de patron de label freine celle de l'auteur de « Vivre pour vivre » (Claude Lelouch, 1967), Pierre Barouh revient néanmoins à la musique et sort une poignée d'albums qui font le bonheur des collectionneurs : « Ça Va, Ça Vient » (1971) et « Viking Bank » (1976). En 1979, il réalise son quatrième long métrage « Le Divorcement » avec Léa Massari et Michel Piccoli. 


Au début des années 80 Pierre est invité a enregistré au Japon avec les meilleurs musiciens de la nouvelle vague électro-acoustique. Il rencontre Atsuko Ushioda, antiquaire entre Tokyo et Paris. Les deux disques « Pollen » (incluant la chanson titre dédiée à son ami Jean Cormier) et « Sierras » sortis en 1983 et 1985 ont un grand succès au Japon et lui permettent de découvrir ce pays dont il tombe amoureux. Il y ouvre un bureau Saravah. Sa fille Maïa, née en 1984, est également autrice-compositrice et poursuit une carrière internationale. Pierre et Atsuko ont deux autres enfants : Amie-Sarah et Akira. 


En 1991 sortent l’album « Noël », et en 1992 l’album « Au Kabaret de la dernière chance » qui regroupe les chansons des 3 pièces de théâtres écrites, montées et jouées avec le dramaturge chilien exilé Oscar Castro, la compositrice Aneta Vallejo et la Troupe Aleph. La chanson éponyme est la dernière chanson enregistrée par Yves Montand ! Après l'album « Itchi Go, Itchi É » (1998) et « Dites 33 – Volume 2 » (2001), Pierre Barouh compile ses archives dans « Le Grenier de Saravah » (2003) et « Saudade – Un manque habité » (2003), et enregistre « Daltonien » (2007). Les compilations « Les Années Disc'AZ » (2008) et « 60 Ans de Chansons à des Titres Divers (parfois Dit Vert) sur l’humain et ce qui l’entoure (double CD Saravah) » (2011) font le tour de son répertoire des débuts et de la suite avec Saravah. Le label Saravah est probablement le plus ancien label français indépendant en activité. 


C’est par un clin d’œil du destin que les routes de Pierre Barouh et de Philippe Quevauviller se croisent. Philippe, comme beaucoup d’autres, connaissait Pierre par la bande son de « Un homme et une femme » et des succès comme « À bicyclette » et « Des ronds dans l’eau ». C’est Emmanuel De Ryckel qui lui signale le livre « Les rivières souterraines » et le disque « 60 ans de chansons », à un moment où Philippe vient de faire adopter une loi européenne sur la protection des eaux souterraines et explore en parallèle les versions françaises de bossa nova, dont celles de Pierre Barouh… un clin d’œil qui fait que Philippe lui écrit une lettre et ils se rencontrent à Paris en 2011. Pierre a ensuite participé à six reprises à la programmation Bossa Flor. Son premier concert en 2012 coïncide d’ailleurs avec la création du groupe Bossa Flor tel qu’il s’est développé jusqu’à ce jour. A son dernier concert bruxellois, Philippe avait fait ce Pierre lui-même qualifiait de « hold-up », il lui avait proposé de l’enregistrer dans le studio d’un ami… de là viennent ses derniers enregistrements de « Corcovado » et « Notre guerre » qui apparaissent sur l’album Bossa Flor « Rencontres en bossa – De Jobim à Barouh », ainsi que la version en public de « La nuit des masques ». Pierre n’a hélas pas pu entendre ces enregistrements (mixés en 2017) car il est parti en chantonnant le 28 décembre 2016, en manquant un rendez-vous pris avec Philippe et Didier Sustrac…


Rendez-vous manqué ? Non, car les rivières souterraines de Pierre Barouh coulent avec force. La rencontre avec Didier Sustrac s’est faite en ce jour de grisaille de janvier 2017 à Montmartre où Pierre a été accompagné vers son coin de terre parisienne. Depuis, la programmation Bossa Flor a réuni des artistes de la « sphère Saravah », Eric Guilleton, sa fille Margaux Guilleton, Françoise Kucheida, Claire Elzière, Dominique Cravic, Didier Sustrac, sur une même scène pour chanter ses chansons. Ce cercle comprend bien sûr Benjamin Barouh qui suit son évolution et Étienne Clément, ami commun, qui est un actif promoteur de la musique brésilienne et des liens avec Saravah. Le projet « Autour de Saravah » constitue cet espace de rencontres dont il est et restera la figure tutélaire. 

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